25 septembre 2011

Après Montesquieu, Millas



Le dimanche 25 septembre 2011 à 06h00 par Josianne Cabanas 

Antennes: après Montesquieu le collectif de Millas est optimiste L'arrêt de la Cour d'appel parle de risque possible, non probable 



Maître Codognes et Anne-Marie Demaret © Photos Harry Jordan
Il n'aura échappé à personne que, dans l'affaire des antennes relais de Montesquieu-des-Albères (édition de mercredi 21 septembre), la Cour d'appel de Montpellier a donné une existence juridique au principe de précaution, face au danger qui peut émaner de l'exposition aux ondes électromagnétiques. Dans l'arrêt rendu par la Cour d'appel, on ne part plus du concept selon lequel les antennes ne sont pas considérées comme dangereuses, tant qu'on n'a pu prouver qu'elles le sont, mais au contraire, c'est le fait de ne pas pouvoir prouver leur innocuité qui les rend indésirables à proximité immédiate des habitations. Et, conséquemment, condamne l'opérateur à les éloigner.

Du coup, cette décision a fait naître un immense espoir chez tous ceux qui se battent pour soustraire leurs lieux de vie à l'influence des antennes relais. C'est le cas d'un collectif de huit propriétaires de Millas, collectif intitulé "Força Real oui, Força relais non".
En effet, à l'origine, il y avait à Millas deux mâts implantés sur le château d'eau, lesquels furent déplacés en 2005. Sauf que le terrain où ils furent transférés, sur la route de Corneilla (à flanc de Força Real), était déjà loti d'une dizaine de maisons dont les plus anciennes remontent à 1985. Anne-Marie Demaret, porte-parole du collectif, explique : "Nous avons été totalement pris au dépourvu. Quand les travaux ont démarré, en 2006, on ne nous a rien dit. C'est en voyant s'élever trois mâts, qui doivent contenir 12 à 15 antennes de téléphonie mobile et de réseaux hertziens, que nous avons réalisé. Aujourd'hui nous savons que les trois opérateurs Bouygues, SFR et Orange, ont leurs antennes au-dessus de chez nous".
Outre l'impact des mâts sur l'esthétique du paysage, les riverains se sont mis à craindre les effets des ondes sur eux et leurs enfants.
En septembre 2009, le collectif rencontre le maire de la commune, Damienne Beffara, et un rapide règlement à l'amiable semble vouloir s'amorcer : Mme Beffara évoque la possibilité de déplacer les antennes entre Millas et Corbère. Ensuite, elle commandite des prises de mesures du champ électromagnétique au cabinet lyonnais Emitech. Selon Mme Demaret, les résultats de l'exposition aux ondes des habitations situées à proximité des antennes, oscillent entre 2 volts minimum et 4,98 volts maximum. Ils ont été communiqués au collectif en mars 2010, avec en prime les commentaires d'un consultant de SFR. "On nous a expliqué que le seuil retenu comme maximal tournait autour de 41 volts et que nous étions donc bien au-dessous", rappelle Anne-Marie Demaret.
Or, on sait maintenant que si la France admet comme seuils maximaux d'exposition aux ondes magnétiques 41 volts/m, voire 61 volts/m, la Commission européenne tend vers des expositions maximales de 0,6 volt ! Ce qui change considérablement les choses.
Après cela, le collectif dit s'être heurté à une fin de non-recevoir de la part de la mairie, plusieurs fois sollicitée. Raison pour laquelle les opposants aux antennes de Millas ont contacté, en juillet 2009, l'avocat perpignanais Jean Codognès. C'est, d'ailleurs, Me Codognès qui représentait en appel le couple Bobillot dans l'affaire des antennes de Montesquieu.
Après l'échec d'une nouvelle tentative de négociation à l'amiable avec le maire de Millas, le collectif "Força relais non" et Me Codognès ont décidé de saisir un juge civil. Avec une détermination nourrie par la jurisprudence de Montesquieu.

22 septembre 2011

Montesquieu a gagné !

Le mercredi 21 septembre 2011 par Julien Marion et Michèle Vardon

L'antenne relais de Montesquieu sera démontée  

Le 18 novembre 2009, le collectif bloque l'installation de l'antenne relais.  © Photo T. Grillet 


À l'aide d'un hélicoptère, SFR bâtit l'antenne relais de 12 mètres de haut à la fin de l'année 2009.  © Photo Arnaud Andreu
Est-ce la fin d'un long feuilleton à Montesquieu-des-Albères, qui oppose depuis plusieurs années, des riverains et la société SFR ? En mai 2007, le conseil municipal de la commune avait autorisé l'implantation d'une antenne relais pour la couverture de la ville en téléphonie mobile. C'était sans compter la persévérance d'une vingtaine d'habitants qui résidaient entre 80 et 150 mètres de l'objet du scandale et qui, réunis en collectif, se sont mobilisés pour que l'antenne ne voit jamais le jour. La situation conflictuelle avait atteint son paroxysme en novembre 2009, après que Pascal Bibillot, président de "l'association de Défense de notre Santé et de notre Environnement", avait été placé en garde à vue pour avoir empêché l'installation de la structure.
Vendredi, la justice a en tout cas donné raison aux riverains dans une décision de la cour d'appel de Montpellier. Elle a ordonné à SFR de "procéder à l'enlèvement de la station relais qu'elle a implantée sur le territoire de la commune, sur le chemin du Mas d'En Blay".

Craintes sanitaires légitimes
La cour a essentiellement motivé son jugement à la vue des dernières études scientifiques de 2007, 2008 et 2009 qui indiquent "qu'il existe des menaces plausibles et potentiellement importantes que font peser sur la santé, les champs électromagnétiques générés par l'antenne relais". Elle note également "qu'en l'état, la société SFR se devait de respecter le principe de précaution étant donné l'absence de certitudes scientifiques et qu'elle a au contraire imposé aux riverains immédiats, une source d'émissions d'ondes électromagnétiques sur des habitations se trouvant à moins de 100 mètres de l'installation".
Pour l'avocate de l'association Me Hiault-Spitzer, "SFR n'a pas prouvé que cette antenne n'était pas nocive pour les riverains. Les mesures qu'ils ont effectuées étaient faussées car l'antenne n'était pas encore en marche. D'ailleurs, elle n'a jamais fonctionné".
Quid de la jurisprudence
Du côté du collectif et de son président, on se félicite de cette décision. "On est très satisfait des arguments développés dans cette ordonnance, qui reprend ce que l'association ne cesse de dire haut et fort depuis deux ans. La justice nous donne raison alors qu'à un moment, on a été traité comme des voyous. On espère que la jurisprudence jouera dorénavant pour aider les autres associations en lutte contre ce type d'implantation".
Du côté de SFR, la direction régionale "prenait acte de la décision de la cour d'appel. Ce n'est pas la jurisprudence que l'on observe ces derniers mois mais on réfléchit aux suites à donner à cette décision ".
La société a la possibilité de se pourvoir en cassation. La cour de cassation ne pourra en revanche pas se prononcer sur le fond de l'affaire mais devra dire si oui ou non, la cour d'appel de Montpellier a fait une erreur de droit. Si elle obtient alors gain de cause, une nouvelle cour d'appel devra à nouveau statuer sur la légitimité d'installer une antenne relais à Montesquieu-des-Albères sur le chemin du Mas d'En Blay. En revanche et étant donné que le pourvoi en cassation n'est pas suspensif, l'antenne relais devra obligatoirement être démontée dans un délai de six mois. Une décision qui fait jurisprudence en France.